LES ETUDIANTS DE LAGHOUAT
Aux portes du Sahara, là où les derniers contreforts montagneux s’effacent comme vagues sur le sable, Laghouat ! Trois cents étudiantes et étudiants et leurs professeurs entraient en stage de « Formation à l’animation de moments de réflexion partagée ». Un grand amphi plein de jeunes attentifs et curieux avec une majorité d’étudiantes aux visages ouverts, sobrement voilées de noir, vert, blanc, ocre… Présentations protocolaires, hymne national, psalmodie de versets du Coran. Un dépaysement très sensible dès l’ouverture de la session mais vite dépassé par un accueil chaleureux, attentionné, souriant.
Amphis et ateliers proposaient une sensibilisation pratique à l’écoute, à la prise de parole libre, dans le respect de la diversité des points de vue, à contre courant de la désobligeante habitude de couper la parole et de pratiques où débattre se mue en combattre, et convaincre en vaincre. Des questions pourtant incisives stimulaient les échanges : Avons-nous besoin des autres pour penser ? Doit-on vivre pour soi-même ou pour les autres ? Pourquoi l’écoute est-elle indispensable ? Peut-on faire confiance ?.. Des échanges simples et confiants après lesquels plusieurs disaient leur étonnement d’avoir pu vaincre la timidité et surmonter le trac. Tous ont beaucoup apprécié le fait de se découvrir capables de prendre la parole en public, d’écouter et d’être écouté … D’où l’envie de poursuivre cet apprentissage en d’autres circonstances. « OK pour des cours comme ça !» déclarait un étudiant. Enthousiasme tempéré toutefois par un commentaire de la fable « Le corbeau et le renard ». ou l’oiseau perdit son fromage pour avoir pris la parole sans discernement.
Dans ce climat d’écoute attentive, les points de vue apparurent parfois très tranchés, tributaires de préjugés – reconnus ! – construits par l’environnement familial, scolaire, culturel … Les idées ont souvent évolué, modifiées par les explications acceptées, jusqu’à se trouver parfois profondément transformées.
Méthodes et protocoles, à la fois rigoureux et ouverts, furent pratiqués au service d’un maître mot, l’écoute. Chez les marins le terme désigne un cordage servant à régler la voile par rapport au vent. Belle métaphore pour imager une progression en commun respectueuse de la diversité des participants ! Et la question initiale souvent relancée de savoir si nous avions besoin des autres pour penser par nous-mêmes, trouvait sur place une réponse positive dans l’expérience même des ateliers.
L’équipe d’animateurs invitée à Laghouat retourne au pays avec une conviction avivée : les différences les plus radicales qui distinguent les hommes jusqu’à les opposer, cruellement parfois, cachent des espaces intérieurs souvent insoupçonnés. Ils sont ensemencés de graines de respect, de confiance, d’amour. Chacun les porte en soi et peut les cultiver. Pour atteindre ces lieux d’espérance et de paix, il faut franchir les murs de préjugés multiples bétonnés par des peurs.
Notre hôte algérien a écrit son bonheur de nous avoir reçus. Il joint à son courrier un texte de sagesse dont voici un extrait : « J’apprendrai à ma fille que Dieu est amour, qu’elle peut s’adresser à lui sans intermédiaire, le questionner à satiété, lui demander ce qu’elle souhaite, loin de toute directive ou contrainte» . Dieu est amour ! Une vérité mystérieuse et de feu. Elle traverse les différences et éclaire ce que nous portons, tous, au plus intime de nous-mêmes.
dagras.michel@neuf.fr