,Journal de voyage Tunisie avril 2016
Samedi 2 avril
Nous ne sommes que 3 au départ de Toulouse, 3 pélerins laïcs, Sabah, Guy et moi, engagés par ailleurs comme présidents, qui à Coup de Soleil, à La Ligue de l’Enseignement, ou à ARP-PHILO, notre dénominateur commun !
Nous sommes attendus par les Kristou venus de Bizerte pour nous embrasser, par Safa accompagné de Mokhtar, un étudiant motivé qui se souvient de Toulouse et de son hébergement chez les Meurisse, par Dalenda et Faouzi. Accueil très chaleureux comme d’habitude ! Gleya est restée à la maison pour faire la cuisine, le repas nous réunira tous rue de Casablanca !
En chemin Safa nous raconte les changements dans la ville , nous montre les lieux qui ont pris du relief dans l’actualité : Le Bardo et le café où les terroristes se sont préparés…
Nous retrouvons Faouaz venu d’Algérie sans Zohra qui a eu encore un problème de santé, la pauvre ! Faouaz a fait 850 km, en covoiturant deux personnes non concernées par notre projet , compagnie et partage appréciable pour lui !
Notre avion avait une heure de retard , attentes et queue dans l’aéroport au milieu des vigiles de l’armée bien visibles…
Tout le monde va au lit sans traîner ! Sabah chez les Zribi, Guy, Faouaz et moi chez les Maatallah qui ont débarassé et arrangé la pièce de l’entrée pour que j’ai une chambre tranquille avec connexion !
Dimanche 3 avril
Journée light bienvenue, tourisme et détente !
On se répartit en 2 voitures .Gleya a donné RV à ses étudiantes qui ont souhaité passer la journée avec nous ! Roukaya et sa cousine Cyrine qui étaient logées chez Mijo à Toulouse, Wared logée en octobre chez Elisabeth et Hyba …
Nous nous retrouvons déambulant dans les ruines de Carthage saluant au passage l’empereur Septime Sévère ( d’origine africaine) et les Antonins dont nous parcourons les thermes !
Vieilles pierres,acanthes et massifs fleuris nous rappellent l’histoire de cette cité qui fit trembler Rome !
Dalenda nous rappelle que son prénom donné encore dans les familles tunisiennes à la cinquième fille d’une série pour dire » Basta les filles, on attend un garçon ! » est un héritage étonnant de » Carthago dele nda est » de Caton l’ancien : Il faut détruire Carthage !
Déjeuner à La Goulette de chorba, brick et poisson !
Promenade à La Marsa, au milieu de familles, de couples d’amoureux, de fanfares et de supporters des deux principales équipes de foot de Tunis en compétition dans le »Derby » local !
Des clameurs venues de cafés où le match est retransmis attirent Faouzi puis Safa qui nous rendent compte du score !!!
On déguste Bambalounis ( beignets au sucre) dans la rue ou glaces chez Salem, gâteries connues du coin !
Sabah et moi nous déchaussons pour un bain de pied très agréable et délassant dans la mer, nous marchons dans l’eau en imaginant au loin les côtes italiennes et siciliennes ! La vie est belle ici !
Rentrée avec Safa sur Tunis par le Lac et ses nouveaux quartiers pour ambassades , affaires et habitations bourgeoises de grand luxe !
On a du mal à croire au vu de ces bâtisses rutilantes que le pays est en crise économique …
Des cartons au sol devant un ministère, servant de matelas à de jeunes hyperdiplomés au chômage nous rappellent cependant que la vie n’est pas rose pour tout le monde !
La discussion le soir avec Mokhtar, l’évocation de la situation de Hyba nous parlent aussi du sort des pauvres !
Gleya nous fait passer une video montrant l’accueil triomphal réservé en 1982 par le peuple Tunisien et Bourguiba, aux Palestiniens chassés de Beyrouth, bouleversant !
Ce peuple suscite respect et admiration : quelle générosité dans la solidarité avec les bannis de la terre !
Lundi 4 avril
Démarrage vers 9h pour Byzerte.
On retrouve Saïda kristou, Saïda Hamdi, Les Bedjaoui, puis Améni sur la Corniche !
Nous sommes reçus chez Améni pour un repas tunisien maison avec shorba, tadjine traditionnel, et couscous arrosé de leben, un bon thé à la menthe au salon et en route pour l’école privée où Ameni enseigne le français !
Ameni a perdu 20kgs en 5 mois, le changement est spectaculaire ! Un centre diététique offre suivi de régime hyperprotéiné, salle de gym et soins divers… Elle en a bien profité et est resplendissante ! Elle assume sans problème !
L’école privée Elquindus existe depuis 4 ans seulement, les effectifs sont réduits, à peine 16 par classe !
La classe de notre amie est une 3ème année de primaire, certains enfants n’apprennent le français que depuis l’an dernier. Ce sont en général des enfants de milieu sinon favorisés financièrement, au moins très soucieux de donner à leurs petits une bonne éducation et de bonnes chances de réussite !
Nous disposons rapidement les sièges pour regrouper dix enfants au milieu de la salle et je propose un premier atelier court sur le bonheur :
Qu’est-ce qui vous rend heureux et pourquoi ? Les réponses sont variées et évoluent au fil des tours ! les enfants essaient de s’exprimer sans se copier avec le peu de vocabulaire dont ils disposent. C’est un gros effort pour eux mais ils sont tout excités et très motivés !
Ce qui me rend heureux : des activités comme le jeu de ballon, le tennis, la piscine, la bicyclette, …les promenades au bord de mer, des courses avec maman au supermarché, mais aussi des visites de personnes chères, la compagnie d’animaux ( chiens) , faire des voyages, des rencontres d’amis et de membres de la famille, grand-mère ou tante dans un cadre agréable et avec des lectures ou des conversations enrichissantes, qui font grandir, réussir, parler en français. On adore le français, la maîtresse, travailler à l’école, faire ses devoirs !!!
On n’en reste pas à l’avoir mais on parcourt le faire, le bouger, le grandir et le vivre ensemble !
Deuxième atelier court , présenté par Sabah : Que ressentons-nous quand nous sommes agressés et que faire ? La question est reformulée, et le mot »agressé » expliqué.
Expression du ressenti : On est triste, fâché, très fâché, on pleure, on est en colère, on est »mélancolique », ce mot plaît beaucoup !
Situations d’agressions évoquées : On me pousse, on me prend mon stylo bleu, on me dit des gros mots, on me »torture », on pense au terrorisme qu’on déteste parce qu’ils tuent des innocents !
Que faire ? J’en parle à mes parents, à la maîtresse, au directeur ! Je discute avec celui qui m’agresse, je lui demande d’arrêter et de ne plus recommencer, je lui dis arrête ! Attention !
Discussion générale :
Comment avez-vous vécu ce moment »philo » ? C’était bien, on aime parler en français, réfléchir à des questions avec les autres, qu’on nous écoute !
Quelles autres questions aimeriez-vous creuser avec vos camarades, une autre fois ?
– Pourquoi y-a-t-il des agressions ? Pourquoi voler, se bagarrer, ennuyer les autres ? Comment rester heureux avec ses amis ?
Troisième atelier animé par Guy : Réflexion partagée autour d’un récit de fiction sur l’évolution d’un enfant qui se comportait au début comme une brute. L’animateur choisit de passer beaucoup de temps en explication de texte.
Les phases du protocole: tour de table des premières représentations, puis débat puis énoncé de conclusions personnelles ne peuvent se déployer !
Nous n’avons pas vécu un atelier philo classique même si la séance qui a comporté jeu de rôle, expression par vote d’opinions sur différents sujets a montré qu’on peut être majoritaire et dans l’erreur. Prise de conscience intéressante dans cette première approche d’une activité »philo » !
Ebauche de réflexion sur » Que faire pour aider un ami à devenir moins agressif ? »
– Je lui parle doucement, à sa manière, avec des mots gentils, je lui demande d’arrêter, je lui demande pourquoi il fait ça, je lui conseille de ne plus recommencer …
Les enfants nous semblent fatigués après 3 heures passées à se concentrer sur des sujets inhabituels, mais ls en redemandent !
Réunion des acteurs et visiteurs pour un échange sur cette première journée de travail avec enfants en Tunisie.
Guy expose ses choix stratégiques et pédagogiques devant les difficultés rencontrées. On se réjouit de l’effet sur les enfants de ces premiers ateliers.
La maîtrise de la langue est la condition de réussite de ces activités mais en est aussi le bénéfice
attendu par la forte motivation qu’elles font naître !
Conseils : S’approprier les protocoles ARP mais rester vigilants, attentifs à ce qui se passe pour pouvoir en jouer au service de la libération de la pensée et de l’écoute des autres !
Dans un atelier classique, le texte n’est qu’un prétexte, la question choisie est le second point de départ de la réflexion, il convient à partir de là de se donnet une bonne demie heure pour le tour de table , le débat animé de façon à accompagner le mouvement de la pensée et permettre dans le dernier tour de table, des synthèses personnelles – Il reste ensuite à donner la parole aux observateurs et à conclure sur le processus plus que sur le sujet !
Ce n’est qu’un début ! Mais il est prometteur…
Mardi 5 avril
Visite du Bardo avec comme guide Elhem Hammani conservateur chargé du service éducatif du Musée..
Une mosaïque récente au sol à l’extérieur du Musée rend hommage aux victimes de la tuerie qui a endeuillé les lieux, le pays, le monde de la culture. Les victimes sont représentées dans des médaillons . Nous nous recueillons.
Les étudiants de la Manouba nous rejoignent, jeunes , beaux et joyeux !
On commence par les antiquités grècques et latines,
Question malicieuse d’un ami musulman : » Mais quels problèmes ont-ils avec les vêtements ? »
Quand on passe aux antiquités chrétiennes : Là ça va mieux ? Ils se sont rhabillés ? Même Venus à la toilette est couverte !
On échange sur l’humour et les difficultés de rire de soi quand cela touche à notre sacré !
Le Musée est magnifique… Des pièces rares sont exposées , la mosaîque de Virgile à l’entrée, la statuaire récupérée sur un navire coulé à proximité de la côte , navire sorti de son itinéraire tracé ( d’Athènes à Rome!)… deux baptistères magnifiques d’harmonie, des objets usuels étonnants comme ces bols à becs, biberons de l’antiquité !
Ejhem nous explique ce que le Musée organise pour les enfants : ateliers d’écriture, chasses aux trésors, parcours thématiques ! Nous échangeons nos adresses, elle propose qu’on essaie ensemble un atelier philo dans ces lieux ! Affaire à suivre !
Nous rencontrons une classe en visite, les enfants nous photographient , nous sommes des curiosités! Ils nous chantent leur hymne national avec beaucoup de coeur puis se dispersent comme des moineaux sur un »Vive la Tunisie » fervent qu’on redit avec eux !
Repas sur l’avenue Bourguiba au restaurant »Capitole », recommandé par le Routard, c’est copieux rapide et bon !
Petite promenade en médina et café en terrasse face à la Porte de France , rendez-vous des taxis algériens !
17h30 à la Maison de la Culture on écoute Salah Zghidi, militant des droits de l’homme, syndicaliste, emprisonné 3 fois sous Bourguiba et BenAli… sur la notion de terrorisme !
Il insiste sur le terrorisme islamiste , hydre télécommandé par Daesh et les frères musulmans avec un projet de société archaïque et dévastateur ancré dans la Charia.
Il souligne le rôle de l’Arabie Saoudite et du Quatar… retrace l’histoire récente du pays et le rôle que continue à jouer Ennada dans ce gouvernement qui pour lui s’est installé dans un compromis mou et qui ne prend pas de mesures pour arrêter le terrorisme et faire justice en condamnant les assassins de Choukri ! Le procès est toujours retardé !
Le débat est animé par Guy. Nous avons du mal à quitter notre hôte et à arrêter la discussion avec ce militant passionné !
Dîner chez Dalenda et Faouzi ! Dalenda a passé sa journée à le préparer !
Soupe aux lentilles, riz à la vapeur et aux épices , ragoût de poulet aux coeurs d’artichauds et petits pois frais… fruits et makrouds !
Mercredis 6 avril
Manouba
Rencontre de Habib Kazdaghli doyen qui a le bras dans une goutière-attelle :suite à une agression par un groupe d’élèves grévistes ! Il vient ouvrir la session universitaire.
L’université n’est pas une usine de fabrication de diplomés, mais un lieu d’éducation citoyenne, de créativité et de résistance au dogmatisme religieux, lequel ne peut s’imposer en tant que tel ici : l’esprit critique dans le rapport au savoir s’impose absolument !
A 10h, Habib Melah , professeur de littérature à la retraite intervient sur le thème des valeurs de l’Université, en fait il nous parle de la liberté académique. (article33 de la constitution) et des batailles menées et à mener pour la garantir en Tunisie comme dans le monde ! L’université ne peut être asservie aux croyances religieuses ! Elle ne peut être limitée que par des nécessités d’hygiène ou de pédagogie ! La recherche doit pouvoir se faire sans contraintes doctrinales !
J’anime le café citoyen à partir de là !
Chacun dit ce qu’il retient de l’exposé . Retenus :
– l’article 33- Les finalités et missions de l’université : la seule collation des diplômes ou la formation des citoyens ?- le rapport aux droits de l’homme- La déclaration de l’UNESCO- L’importance de l’indépendance de l’Université…
Puis un débat s’engage autour des notions de dogmatisme et de verité , du rapport à un cadre législatif clair, de ce que pourrait être une éducation à la citoyenneté : cours magistral sur le sujet ou expérience de vie ici et maintenant avec des règles et du respect ? Pratique de participation active aux activités proposées le mercredi, et même aux cours ( on n’est pas là pour consommer du cours mais pour grandir en savoir et devenir utile au pays) et même à l’édification et au respect de la charte de l’université!
Dans la dégradation actuelle, les torts sont partagés , et si chacun se remettait en question ?
Les étudiants et les professeurs ! L’éducation citoyenne est ici et maintenant dans l’action !
Pause à 12h puis deux ateliers courts animés par Wared puis par Mokhtar sur : Pourquoi
certains sont-ils attirés par le terrorisme ? La solidarité, jusqu’où?
1- Pourquoi cette attirance pour le terrorisme ?
Ceux qui sont attirés par le terrorisme sont en général incultes , marginaux, sans avenir, sans liens sociaux autres qu’avec des marginaux ou des recruteurs manipulateurs ! Ils croient aux promesses d’argent ou d’au delà meilleur et n’ont rien à perdre !
2- La solidarité pourquoi et jusqu’où ?
La solidarité est nécessaire à la vie. Peut-elle être inconditionnelle ? Ne faut-il pas quelquefois se désolidariser du groupe lorsqu’il nous conduit à notre perte ou nous amène à détruire l’autre ?
L’expression sur le vecu montre beaucoup de surprises et de satisfaction : on est heureux d’avoir pu parler et être écouté !
Repas sur place dans la salle de restauration réservée aux professeurs
Atelier classique : à partir d’un texte d’Assia Djebbar »Le terroriste » !
Je l’anime !
Question choisie : Qu’est- ce qui peut conduire la relation maître/ élève à devenir violente ?
Idées retenues : Qui est responsable de la violence en salle de cours ? Les situations sont variées mais Maître et élève sont impliqués-concernés par la violence en cours !
Il y a violence dès qu’il y a projet de suppression d’un des protagonistes, ou effet ressenti de destruction ou blessure !
Le non-respect, la confusion, l’injustice sont sources de violence…
On peut vivre comme violence, le fait d’être ignoré en classe !
La séance se termine par un dernier tour de table où chacun dit où il en est arrivé sur le sujet et ce qu’il a éprouvé.
Les participants d’âge, de statut, de nationalités différentes sont heureux d’avoir débattu ensemble!On apprécie de n’avoir pas eu à attendre son tour, d’avoir pu réagir immédiatement, d’être partis d’un texte. On a l’impression d’avoir approfondi une question en toute liberté et harmonie !
La violence, il vaut mieux l’arrêter le plus tôt possible ou ne pas la commencer ! En tout cas il ne faut pas la laisser s’installer et il faut mettre les violents hors d’êtat de nuire, en comprenant comment ils en sont arrivés là et sans haine !… Sans quoi plus de vie »humaine », on se retrouve en barbarie !
Jeudi 7 avril
Journée détente à Tunis ! En fin d’après midi on se transporte à Bizerte pour participer au Ciné club de Rifaat à 18h30 et profiter de son hospitalité !
Le film indien projeté Maasan est un film d’auteur, il nous parle d’histoires d’amour et de mort sur fond de paysages grandioses. Le Gange majestueux avec sur ses bords, ses buchers permanents en est le cadre. De très jeunes gens vivent leurs premières passions dans l’innocence, la retenue, et la tragédie . Un régime où la corruption règne, où les castes séparent, pèse sur ces histoires amoureuses . Pour autant apparaissent timidement espoir et possibilité d’issue… La culture, les études, l’amour, l’amitié, le travail sont des atouts et paramètres qui permettent de rebondir, des fenêtres sur la vie.
Le débat est animé par Rifaat très à l’écoute. Chacun s’exprime dans le groupe, même Wared et Faouaz ! C’est un excellent moment de partage d’émotions, d’analyses, d’échos personnels…
Chacun rentre ensuite avec et chez les amis de Bizerte qui l’hébergent : Gleya, Safa, Faouaz, Wared, Sabah chez Améni, Guy et moi chez les Kristou !
Dîner sympa déjà préparé par Saïda et discussions animées sur le terrorisme, les religions et la situation de Bizerte gouvernée municipalement par Ennada !
Vendredi 8 avril
Sur Menzel Bourguiba : atelier au lycée de Saïda Hamdi !
Nous attendions 20 élèves volontaires, nous en avons 80 de première et terminale qui remplissent le hall très bruyant qui nous est attribué. Trois professeurs sont présents. On explique aux élèves qu’on va demander 12 volontaires au milieu, une vingtaine pourront rester en observateurs . Les autres sortent sans problème quand Saîda leur promet de leur faire un atelier plus tard !
Faouaz a accepté d’animer l’atelier court : Qu’est-ce que réussir sa vie ?
C’est avoir un but, des objectifs, une ambition, réaliser ses projets, arriver à surmonter les difficultés, être en harmonie de partage avec les autres, ou se faire tout seul, arriver à grandir en respectant la différence, arriver à atteindre le bonheur, à aimer les autres, à les respecter, correspondre à ses rèves !
On apprécie d’avoir eu l’occasion de s’exprimer en français, de s’être enrichis en écoutant les autres, de s’être »décoincé », on aime cette idée d’atelier qui est une bonne occasion de réfléchir en s’écoutant ! En bref on est content d’avoir parlé, écouté réfléchi à une question intéressante !
Atelier classique documenté à partir d’un conte : Le petit lapin blanc ! Conte canadien du dossier UNESCO
Je le raconte en essayant de coller aux principes de la communication non violents : le lapin victime de racisme apprend à se calmer, et à se faire du bien, puis à engager la communication avec ses agresseurs, à écouter et exprimer ses propres émotions, à s’intéresser à celles des autres et à formuler une demande claire pour sortir du problème !
Les participants sont en général très concentrés, même si on remarque une utilisation du téléphone portable sous la table… pour sms ou consultation d’écran ?
On prend un peu de temps à préparer en groupe la formulation d’une question à partir du conte.
Deux adultes se sont joints au groupe et ont accepté de participer comme les élèves au débat .
La question qui émerge est »Comment combattre le racisme ? » On entendra »racime » comme toute discrimination visant à exclure la différence ( de sexe, de couleur, de culture, de »normalité physique »…) »-
On prend conscience du fait que ce combat est autant social et politique, que relationnel en situation duelle, ou qu’intérieur ! Nous avons des préjugés qui nous conduisent à »réduire » l’autre à n’être que noir ou jaune ou handicapé ou femme, donc à oublier qu’on fait tous partie de l’espèce humaine, qu’on a un fond commun sous nos différences !
Le dernier tour de table montre que chacun à évolué vers une synthèse personnelle, le bouquet final est riche et diversifié ; on est sortis ensemble des lieux communs…
Tous disent leur plaisir d’avoir participé à cet atelier, certains ajoutent qu’ils ont surmonté leur peur et leur timidité d’autres qu’ils ont aimé parler français
Repas chez Béchir au bord du lac
Latifa a préparé le repas toute seule pour une dizaine de personnes ! Moment agréable de dégustation, discussion et photos au bord de l’eau près des eucalyptus odorants et des massifs fleuris
multicolores !
On se rend à la Maison des Jeunes .
J’avais compris que nous aurions affaire à un groupe de moniteurs et nous avions préparé avec Saïda et Guy des questions adaptées… je me retrouve avec un public hétérogène de jeunes d’un quartier chaud qui me rappellent mes débuts comme prof de philo après 68 !
Ricanant , se poussant du coude, incapables de s’exprimer clairement, manifestant à la fois l’envie de participer à quelque chose ensemble et en même temps de se singulariser au plus facile !
Je lis dans leurs yeux l’amitié, le désir, la désolation de ne pouvoir faire mieux !
On décide de régler le problème de la langue en permettant l’expression en arabe et en jouant des traductions avec l’animatrice !
L’atelier court sur la question : Qu’est-ce que la solidarité pour vous ? et Faut-il toujours être solidaire ? A du mal à être comprise… On la reformule en français et en arabe.
Mais le bâton de parole mis en jeu entreprend une course folle , il ne s’arrête que pour recueillir quelques balbutiements…
Au diable le protocole ! Je change les consignes pour essayer de sauver l’occasion de permettre à ces jeunes de réfléchir ensemble !
La solidarité c’est s’aider, compâtir, partager
Quand la solidarité est-elle une bonne chose ? En cas de catastrophe naturelle, quand il y a de très pauvres, des faibles à défendre… dans une équipe de foot !
Quelquefois certains ne sont pas solidaire dans un match… quand ils jouent »perso » !
Faut-il toujours être solidaire ?
Exemples donnés de criminels à arrêter même s’ils font partie de la tribu !
Mais il y a solidarité dans l’aide à continuer pour qu’ils deviennent plus humains, plus intégrés !
Ouf ! L’atelier finit mieux qu’il n’a commencé ! Les jeunes retournent dans le grand groupe, apparemment pas mécontents du voyage après avoir exprimé verbalement leur désir de recommencer ce genre de pratique et le plaisir d’avoir pu parler même si c’était difficile en français !
Deuxième groupe : Atelier classique documenté !
Nous faisons appel à volontariat adulte ( les moniteurs) complétable par des jeunes !
J’annonce le menu et l’enjeu, puis je raconte l’histoire du lapin, ce ne sera que la 2ème fois de la journée !!! Je précise que le conte est enseignant pour tout public même s’il y a des animaux qui parlent, c’est une invitation à nous interroger sur nous mêmes !
Ce conte ramasse tous les enseignements de la Communication Non Violente, écoutez bien !
Le conte dit, je demande à quoi il nous fait penser et ce qu’on en comprend et retient !
– C’est sur le racisme ! Sur ce qu’on resssent quand on nous rejette, c’est ce qu’on peut faire quand même pour réagir sans être violent !
On fait ensuite un tour de table et on entre dans un débat très riche sur la question : Faut-il accepter toutes les différences ?
Le débat est anime et les avis divergent : – Oui il faut tout accepter ( les différences de couleur, de religion…)- Non il ne faut pas accepter les terroristes et les violents !
Que veut-dire accepter ? Les laisser vivre et s’exprimer ?
– Oui les laisser vivre…
Est-ce intéressant , utile d’entendre des choses différentes de celles qu’on pense ?
– Oui on comprend mieux les autres ! -Non , je n’accepte pas de changer ma conviction !
Et je ne peux pas tout entendre !
Est-ce pareil : accepter et adhérer ? Comprendre et prendre l’idée pour sienne, adopter l’idée ?
La séance se finit sur une note optimiste, laudative et sur des questions : Ne pas parler arabe est-ce mépriser l’arabe ? Demander qu’on parle arabe est-ce une demande idéologique ou une revendication pour pouvoir mieux communiquer ? Ne peut-on pas déjà améliorer la communication en tenant compte des difficultés et de la situation ?
L’animatrice nous dit que c’est la première fois que ces jeunes qui sont le plus souvent des exclus du système se tiennent à une activité « intellectuelle » aussi longtemps ! C’est vrai qu’on les a tenus 3 heures !!!
Les associations représentées ( APEC etc.) nous annoncent qu’elles vont utiliser nos formules avec notre permission ! Accordé !
Régulation ultime en guise d’évaluation :
Chacun dit ce qui lui semble avoir réussi , les questions qu’il se pose et les suggestions qu’il ferait.
On trouve très réussi l’effet d’accroche de nos pratiques sur les jeunes et les professionnels ( enseignants et animateurs d’associations)
On regrette de n’avoir pas pu toujours anticiper la nature du publc et le nombre de participants, les conditions de travail : un atelier nécessite du calme, pas de bruit ni de mouvement ! De préférence ! Si possible ! Bien sûr sinon on s’adapte… autrement on ne ferait rien !!!
Demandes et suggestions- Demande formulée un stage de 3 à 5 jours-
Nous pouvons revenir pour faire de la formation de formateurs ou d’animateurs sur 3 jours au moins, avec les mêmes (AMPC) et des enseignants et/ou animateurs jusqu’à une trentaine, c’est la vocation d’ARP-PHILO !
Perspectives :
Chacun va continuer l’opération sur son terrain et des réunions de mise en commun seront programmées à l’interne avec une assemblée générale pour mettre à plat le fonctionnement et les finances, elles mêmes un peu à plat, d’ailleurs !!!
Samedi 9 avril, Retour en forme et heureux de ce travail utile semble-t-il , et en si bonne compagnie ! – Danièle