En Nouvelle Calédonie, premier contact…

Dans un collège avec SEGPA  à Nouméa

Réunion préparatoire vendredi 4 mars 2011

M. le Principal du collège  à qui mon amie Marie-Claude a parlé des formations à la SEGPA de Poncharra, Isère, veut bien profiter de ma présence pour animer une réunion de synthèse sur la violence au collège, il me faut déjà lui préciser que je souhaite aborder le travail sur le long terme : C’est à dire sur la mise en place d’une culture de paix, d’écoute, d’expression tranquille, de communication plutôt que sur la gestion réactive aux situations de violence dans l’urgence, même si je ne refuse pas d’en aborder la problématique. En tout cas je ne veux pas en rester aux recettes de gestion à chaud..

On convient que j’animerais la réunion de jeudi 10 à partir de leurs questions

Le collège a déjà en place une consultation écoute de psychologue, et une médiation par des  élèves dans les situations de conflit. Mes dispositifs d’analyse de pratique. semblent intéressants pour le long terme tant pour le Principal que pour la Sous Directrice chargée de la SEGPA..

 

Réunion d’équipe de SEGPA  jeudi 10 mars 2011

 

Une douzaine d’enseignants, le principal, la sous directrice de la SEGPA

Quels sont les problèmes de violence qu’ils rencontrent ?

Incivilités, injures, gros mots, violences physiques entre élèves, vendettas de tribus…

On semble ne pas avoir intériorisé la loi que les anciens font respecter dans les tribus, certains élèves cognent dès qu’ils sont contrariés, il y a un culte de la force physique, c’est culturel , le travail proposé par l’école n’a pas de sens pour ces jeunes, le collège c’est l’école des blancs et il   ne joue plus l’ascenseur social. …La perte des traditions quand on vient à Nouméa n’est compensée par rien. Il y a une pauvreté de vocabulaire et d’échanges entre jeunes, des jeux stupides comme celui de regarder l’autre pour lui faire baisser les yeux!

Les professeurs se déclarent souvent démunis face à la montée de la violence et de l’incivilité. Même si dans ce collège on a un noyau d’enseignants expérimentés solides.

Comment définir la violence ? Comment la comprendre ?

– On peut définir la violence par rapport au conflit : En très bref,  la violence, c’est la mort, le conflit c’est la vie ! Violence: mort infligée ou vécue comme telle, destruction de l’autre, en totalité ou en partie,elle est physique ou symbolique ( humiliation, exclusion…). Et ce n’est pas qu’une affaire de jeunes!  Il est bon de prendre conscience qu’on est tous des violents potentiels : On coupe la parole, on préfère supprimer l’autre plutôt que de chercher une solution avec lui … On se moque, on médit, on ignore, on catalogue, on fait passer son intérêt avant le bien commun etc…L’humanité est toujours à construire, pour nous éducateurs aussi!

Le Principal propose qu’on étudie les cas de violence magistrale ayant entraîné des violences d’élèves, ou une accumulation de ressentiments. On peut faire des études de cas là dessus et voir comment créer un climat de respect mutuel.

Dire que le conflit, c’est la vie, renvoie à l’idée que la différence de points de vue est normale et qu’il est très important que l’on apprenne à considérer l’autre comme autre chose qu’un clone ou un esclave, c’est un sujet qui peut voir les choses autrement. Accepter le conflit c’est accepter que l’autre puisse avoir un point de vue différent et voir ce qu’on peut en faire dans un projet de vivre ensemble… tout un apprentissage!

 

La prévention de la violence implique deux respects à restaurer: celui de la loi et celui de l’autre, dans sa différence.

– Que faire à l’école? L’enseignant est gardien de la loi et du fonctionnement du groupe.

Il faut qu’il permette que chacun éprouve la joie de se sentir grandir en apprenant quelque chose.

– Sur le court terme , « Force doit rester à la loi et à son représentant », ceci n’est pas négociable, faute de quoi c’est la loi du plus fort qui prime et on sort de l’état de droit!  Donc on ne laisse pas passer certains comportements.

– Sur le long terme : il faut faire vivre des situations où peut s’éprouver la joie d’être ensemble, la joie de faire quelque chose de constructif  avec les autres , la joie de se sentir reconnu comme un « être pensant » ( et pas seulement comme un frappeur efficace), comme un « écouteur » qui s’enrichit …

Une réflexion est à mener entre enseignants sur le travail à faire sur ce thème de la loi. Des pistes sont évoquées.

Des dispositifs sont présentés : l ‘atelier philo, le conseil d’enfants ( ça va, ça va pas, que faire ?), la médiation ( écouter les parties en présence: leur permettre de dire leur différend, rechercher des solutions), le groupe d’analyse de pratiques entre enseignants, les enseignants ont intérêt à se réunir périodiquement pour s’enrichir mutuellement, en échangeant sur leurs difficultés et leurs solutions, à se donner ainsi une culture commune en matière de  construction de la paix .

Je note un grand intérêt pour les thèmes abordés même si un enseignant  remarque que les enfants du film présenté (canadiens qui font de la philo depuis la maternelle), sont loin du public de cette SEGPA.

On regrette aussi d’avoir de moins en moins de moyens : «  on nous en enlève tous les jours! ».  Une objection revient : « Les élèves n’ont pas la parole chez eux, alors si on leur fait vivre une expérience protégée à l’école, ils vont être encore plus décalés et violents!!! »

Faut-il alors faire à l’école comme dans les familles les plus rigides ou les plus violentes ?

Il n’y a pas d’autres moyens que de casser les automatismes déshumanisants, avec un protocole d’autant plus strict qu’on aura le souci de donner une vraie marge de liberté de parole, en faisant vivre, en situation de calme, autre chose, en apprenant à penser comme le recommande l’UNESCO par et pour soi même avec les autres.

 

Conclusion : il y a du chemin à faire et la situation en Nouvelle Calédonie est particulière. Ceci dit on est en humanité et il y a de l’espoir, avec des dispositifs déjà essayés, un relevé d’attitudes qui ont marché.

Mais il faut se convaincre qu’il est urgent d’agir sur le long terme et de se dire que personne n’est plus jamais aujourd’hui enfermé dans sa tribu!

A nous de créer des ponts pour le développement d’une pensée attentive, critique, inventive avec les autres.

Je remercie l’équipe et son principal de leur ouverture et de leurs témoignages. Je serai intéressée d ‘être tenue au courant de leurs initiatives même modestes de mise en place d’une éducation citoyenne et d’une culture de paix.

 

DANIELLE DUPIN DE SAINT CYR

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Danièle Dupin présidente d'ARP-PHILO
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